l.ordinaire

Tout ce qu'il y a d'extraordinaire quand on déplie l'ordinaire.

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Par Xavier de Graff
20 avr. · 5 mn à lire
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"La guerre (…) j'ai fait plus que la vivre, je l'ai sentie" N°24

La vie intime

Hier j’ai dîné avec mon cousin germain. Féru d’histoire, il a pris le relais de notre grand-père pour poursuivre le travail de mémoire de la famille. Il est donc le dépositaire de tous les documents, titres, actes, parchemins, témoignages, correspondance de la famille depuis le 15ème siècle. Pendant que je savourais mes Maccarronis “Ü Bobba” de chez Sardegna a tavola il m’a raconté qu’il était également en train de mettre en page le récit de la vie de son père, que celui-ci écrivit quelque temps avant sa mort, survenue l’année dernière, et celui de notre oncle commun de 99 ans, professeur honoraire à la retraite, longtemps titulaire de la chaire de littérature persane à la Sorbonne.

Parmi ces documents, figurent les manuscrits des quatre livres autoédités que mon grand-père a écrit sur l’histoire de la famille, et dont il a donné un exemplaire à chaque membre de sa descendance avant de disparaître en 1992. Le premier couvre la période du XVème au XVIIIème siècle, le deuxième de 1738 à 1803, le troisième concerne le XIXème siècle et le dernier, son expérience personnelle de la guerre de 14-18. Pour écrire les trois premiers tomes, il s’est principalement appuyé sur le contenu d’une malle en fer, transmise de génération en génération, qui n’avait pas été ouverte depuis plusieurs siècles, et dont il dégagea les trésors enfouis à sa prise de retraite.. Les textes plus personnels dont nous disposons sont essentiellement de la correspondance. Elle seule nous permet d’en savoir un peu plus sur la vie intime et les sentiments de leurs auteurs.

Je voudrais m’attarder plus précisément sur la correspondance de ma famille paternelle pendant la guerre de 14-18. Ce qui me frappe, ce n’est pas tant les faits que ces lettres racontent, que les valeurs et les émotions qui y transparaissent : l’amour entre un fils et ses parents, la piété et le patriotisme et la dimension exemplaire, voire héroïque, de leurs attitudes. Par exemple, le témoignage de l’agonie de Paul, le cousin de mon grand-père par un témoin :

Je trouvai le pauvre blessé baignant dans son sang. Tout de suite, il voulut se confesser. Il le fit avec la ferveur et la simplicité d’un premier communiant et reçut la Sainte Absolution avec les plus admirables sentiments. Je n’ai rien vu d’aussi simple et d’aussi beau que son attitude. Je fondais moi-même en larmes d’émotion. Je fus ¾ d’heure avec lui ; il me parla de sa famille avec beaucoup d’attendrissement, mais il offrait à Dieu le sacrifice de tout ici-bas : « Si je meurs, je veux être sauvé éternellement… » et encore : « Mon Dieu, je vous aime de tout mon coeur et me repens de toutes mes fautes » etc. Son capitaine et les chasseurs vinrent lui serrer la main en pleurant d’émotion ; il leur demanda pardon à tous s’il était arrivé de leur faire de la peine dans le service.”

Mon grand-père et un de ses amisMon grand-père et un de ses amis

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