l.ordinaire

Tout ce qu'il y a d'extraordinaire quand on déplie l'ordinaire.

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Par Xavier de Graff
17 avr. · 4 mn à lire
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Joyeux anniversaire, bordel ! N° 23

La vie de famille

Dans le placard de ma cuisine, sur l’étagère du haut, il y a une boîte en métal avec des bougies à l’intérieur. Il y en a des neuves — deux paquets de dix — et pas mal d’autres qui ont déjà servi mais qui le peuvent encore. Les vieilles bougies, une fois qu’elles sont allumées, et les lumières éteintes, on ne s’aperçoit de rien, il faut juste enlever les dégoulinures de l’anniversaire précédent et que personne ne vous voit les allumer. Si ce sont des proches, et qu’ils ne sont pas trop protocolaires, ça passe. C’est surtout pour la personne célébrée que cela peut être un peu désobligeant parce qu’elle pourrait se dire qu’on ne se donne même pas la peine d’acheter des bougies neuves pour elle. 

Quelle est votre stratégie quand, passé un certain âge, mettre le nombre exact de bougies devient cruel ? Ce n’est plus la fête alors, cela veut juste dire que vous êtes plus vieux, et chacun peut les compter les années ; d’ailleurs, vous les voyez compter, toutes ces flammes dans leurs yeux qui vous mettent au défi de les balayer d’un seul souffle jusqu’à la dernière alors même que peut-être le souffle vous manque déjà… Et l’humiliation de devoir vous y prendre à plusieurs reprises consignera dans leur esprit votre déclin prochain malgré les vivats et les applaudissements. 

Allez-vous décider, comme cela se fait, que les bougies d’une certaine couleur valent dix années et celles d’une autre, une seule ? Ou alors des bougies en forme de chiffres. Cette coutume n’en est pas moins désobligeante par sa praticité, un peu comme les recettes Picard. Elle a aussi l’inconvénient de ne permettre qu’une seule utilisation, deux tout au plus si le premier souffleur ne perd pas trop de temps à éteindre la mèche, et que le second a le même âge ou son âge palindromique, ou que l’organisateur, prévoyant, ait acheté toute la dizaine !

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