l.ordinaire

Tout ce qu'il y a d'extraordinaire quand on déplie l'ordinaire.

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Par Xavier de Graff
5 mai · 3 mn à lire
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La promotion N°26

Où je m'interroge sur le statut de quatrième frère dans une fratrie de six enfants, et de l'ordre dans lequel nous allons disparaître.

L’autre jour, j’ai reçu un papier à relire, à parapher et à signer, qui provenait d’un notaire que nous avons sollicité, mes frères et sœurs et moi-même, pour clarifier notre situation concernant une maison que nous possédons en commun. Page 12, j’ai découvert que dans la liste de nos noms et qualités, le mien, qui devait chronologiquement se trouver en cinquième position sur six, occupait la troisième. J’ai interrompu mon paraphe et me suis demandé, perplexe, comment cette erreur avait-elle pu être commise ? Rien dans le document ne permettait de le savoir : ma date de naissance et celles de mes frères et sœurs étaient exactes, il n’y avait pas d’autres logiques décelables, alphabétiques ou autres.

J’ai donc basculé dans une réalité alternative pour tenter de trouver un sens à cette promotion. Car c’est bien ainsi qu’en premier lieu, j’ai perçu la chose : je venais de gagner deux places dans l’ordre familial. Ce qui n’est pas rien dans une famille aristocratique où chacun, en principe, est bien assigné à sa place. Pour ma part, cadet de trois autres frères, mon statut ne valait pas grand-chose car dans cette logique l'aîné des garçons hérite des terres et du titre, le deuxième devient soldat et le troisième entre dans le clergé. Assez curieusement, cette répartition des rôles correspond assez bien, selon moi, à la personnalité de chacun de mes frères. L’aîné des garçons en l’occurrence n’a hérité de rien du tout — 1789 est passé par là — sauf peut-être de la mission implicite de rejoindre l'aristocratie de l’Etat et, à défaut d’un titre à faire valoir, obtenir un diplôme prestigieux : ce fût Polytechnique. Son puîné, toujours prompt à aller au sommet de la montagne, au fond de la grotte, au bout du pont, au commande de son avion ou au guidon de sa moto, expert en calembour, adepte de bonne chère et de la dive bouteille, bon vivant comme le serait un Cadet de Gascogne, par son esprit chevaleresque occupe bien son rang. Le troisième, destiné donc au clergé, en a adopté une certaine austérité, un respect de l’ordre et de l’effort, et une disposition à endosser le rôle du berger guidant son troupeau aussi bien dans la montagne que dans les modes d’emploi de nos maisons communes. Quant au quatrième — moi donc — et bien aucun rôle ne lui est assigné. Il n’existe pas et peut bien faire ce qu’il veut.

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